lundi 30 avril 2012

La Fin du Quizz de Stéphane.



Le mystère restera entier : nous ne saurons jamais comment 20100 a pu se souvenir que cette paire de chaussures appartenait bien à Rosalind Russell. C'est étonnant comme les Quizz et surtout les réponses que vous y apportez, suaves visiteurs, sont révélateurs. Parmi tout ce que nous savions déjà sur 20100, ajoutons l'amour des escarpins italiens. Car ils étaient italiens.

Cher, très cher vainqueur, voyez donc votre nom en noir sur gris cette semaine sur Soyons-Suave et recevez l'assurance que vous aurez, à Noël prochain, au minimum une paire de Bata. Respect.



Quelques explications s'imposent sans doute : si les chaussures de la semaine dernière n'étaient pas en elles-mêmes exceptionnelles, elles ont en tout cas le mérite d'avoir joué dans ce qui est le plus grand triomphe commercial de Rosalind Russell : "Auntie Mame", "Ma tante" en français, film réalisé par Morton DaCosta qui, en 1958 et malgré de très tiède critiques, en fera l'un des gros succès de l'année. "Ma Tante" était bien sûr l'adaptation de la pièce du même nom, elle-même adaptation du roman de Patrick Dennis mais de tout cela nous reparlerons dans quelques instants.

Le fait est suffisamment rare pour être souligné : Rosalind Russell peut se targuer d'avoir été une des rares actrices à avoir triomphé à Broadway et à avoir pu reprendre son rôle au cinéma. Judy Holliday mise à part (elle joua, sur scène et à Hollywood "Born yesterday" et "Bells are ringing") gageons que pour Julie Andrews, évincée de "My Fair Lady", Carol Channing, interdite de "Hello Dolly" et Ethel Merman, volée de "Gypsy", Rosalind Russell était la femme à abattre.



Mais Rosalind était une star de cinéma avant de connaître le succès sur les planches. Déclarée la révélation la plus prometteuse de 1935, on vit d'abord en elle la nouvelle Myrna Loy avant de découvrir qu'elle menaçait surtout la carrière d'Irene Dunne en devenant, notamment grâce à "Femme", "La dame du vendredi" ou "Ma soeur est capricieuse", une des reines de la comédie.

Après un léger passage à vide autour de 1945, accompagné vraisemblablement d'une dépression, Rosalind Russell va offrir à ses rôles une tonalité plus dramatique. Elle joue notamment dans l'adaptation cinématographique du "Deuil sied à Electre" d'O'Neil qui lui vaudra une nomination aux Oscars. A propos, nous signalions, dans nos indices que nous recherchions une actrice ayant remporté un Tony, des Golden Globes et presque un Oscar : celui de Rosalind sera honorifique en 1973, remis par Frank Sinatra pour son travail humanitaire.


Mais une fois encore nous nous éloignons. En 1953, Rosalind Russell va être contacté pour jouer, à Broadway, dans une comédie musicale adaptée de son film de 1942, "My sister Eileen". Le show s'intitule "Wonderful town" et va devenir un immense succès et lui permettre surtout de remporter un Tony. Rosalind peut chanter et danser, mais surtout tenir une pièce. Il semble donc cohérent, étant donné sa nature comique et sa personnalité, qu'on lui propose de tenir le rôle principal de "Auntie Mame", d'après le roman qui vient de se vendre à 2 millions d'exemplaires.

Rosalind Russell et "Ma tante" vont tenir l'affiche pendant 15 mois, autrement dit un triomphe, et associer à jamais l'actrice à son personnage. peu de temps avant sa disparition en 1976, c'est encore par ce nom qu'on l’interpellait dans la rue. La vie de la pièce ne va pourtant pas s'arrêter avec le départ de Rosalind et une quantité d'actrices va l’interpréter. Si on ajoute à cela le nombre de comédiennes qui joueront dans "Mame", l'adaptation musicale de la pièce, nous pouvons facilement déclarer que jouer Tante Mame est, pour la comédie, l'équivalent d'incarner au moins une fois Lady Macbeth.





Devenue un véritable phénomène, la pièce n'aurait évidemment pas existé sans le roman du même nom et donc sans Patrick Dennis, son auteur, immense star de la littérature des années 50, totalement oublié dans les années 70 et qui finira sa vie comme majordome, notamment chez l'un des dirigeants de McDonald's, qui ignorait totalement que celui qui lui apportait chaque matin son journal avait un jour été millionnaire et vendu des wagons de livres.

Ce qui sonne comme une tragédie ne l'était visiblement pas pour l'intéressé qui déclara toujours avoir été très heureux de dilapider totalement sa fortune et pas franchement malheureux de devoir travailler après avoir connu la gloire. Le drame de Patrick Dennis était plus dans sa vie privée : marié, père de famille, il n'acceptera son homosexualité que dans les années 70 et mourra en 1976, totalement intégré dans le très suave Greenwich Village.


Les théoriciens sont formels : c'est à Patrick Dennis et notamment à "Auntie Mame" que l'on doit l'apparition dans la culture de masse américaine du "camp", fait d'autant plus à souligner qu'il met d'accord les mêmes théoriciens à propos d'un sujet dont la définition reste encore très aléatoire.

C'est le point commun des romans qu'écrivit Dennis, sous son nom ou son alias "Virginia Rowens" : des personnages de femmes fortes, à peine matures, parfois un peu folles, toujours chic, indépendante mais également irresponsables, traversant l'existence comme des météores. Oh et il y a bien sûr un autre point commun : les romans de Patrick Dennis sont très drôles et absolument suaves.




En tentant de ne pas provoquer les plus polissons de nos suaves visiteurs, nous serions tentés de voir dans "The Loving Couple" que Dennis écrivit en 1956 sous son pseudonyme féminin, une métaphore de son existence résolument double.

Le livre raconte l'histoire d'un couple en adoptant les deux points de vue, celui de la femme et du mari, séparés en deux parties distinctes des deux côtes du livre.




Un livre à prendre dans les deux sens donc, ce qui est précisément ce que nous ne voulions pas écrire. Nous vous connaissons !!!

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Mais ces chaussures avaient-elles un rôle particulier dans le film ???

Bruno

soyons-suave a dit…

Pas du tout...

Jérôme (moins anonyme) a dit…

Oh So-su!... à propos de genre et de titiller au bon endroit: je crois qu'on écrit "métaphore de SON existence"...
;-)

soyons-suave a dit…

"sa vie" devait être notre premier choix :) Jérôme, vous êtes si à cheval sur la norme...

Anonyme a dit…

...c'est quand même fou ça, quoique je cherche sur google-mon-ami, vous finissez toujours par apparaitre dans mes 5 premiers résultats!
...bon, ici évidement, il faudra quand me dise le rapport entre les chaussures de Rosalind Russel et les mots-clef "Liberace/Majorette" (...ne me demandez surtout pas pourquoi, ça serait trop long!)
...mais ce fut néanmoins un (suave) plaisir!

soyons-suave a dit…

:) Cela ne serait pas si connoté, nous serions tentés de répondre "nous sommes partout".